L'Union panafricaine des avocats (PALU/UPA), l'organisme continental par excellence des avocats en Afrique, condamne dans les termes les plus fermes les récentes attaques xénophobes contre les étrangers, pour la plupart d'autres Africains, qui ont été menées par une petite section de la société sud-africaine. Nous demandons instamment une action forte et soutenue des gouvernements centraux et locaux, pour assurer la sécurité, le respect de la loi et l'ordre ; demander des comptes à la fois à ceux qui ont incité et perpétré les attaques ; verser des réparations pour ceux qui ont perdu la vie, des membres et des biens ; et s’engager dans l'éducation civique et un dialogue plus large avec les sections de la société sud-africaine qui pourraient être tentées de continuer ces attaques.

Nous apprécions le fait que la grande majorité des citoyens sud-africains, et leurs dirigeants, sont pacifiques, des gens respectueux de la loi, qui sont conscients de leurs obligations envers les autres et envers toutes les personnes qui se trouvent sur leur territoire, que ce soit par choix ou par circonstance, pour une durée courte longue. À cet égard, nous demandons instamment de la compréhension et du pragmatisme aux autres Africains et à la communauté internationale, lors des délibérations ou des décisions concernant les attaques xénophobes récurrents récents ayant eu lieu sur le sol sud-africain. Cependant, nous observons aussi que les propos inconsidérés de personnes à des postes d’autorité, et la perception que la réponse des dirigeants et des services de sécurité de l'Afrique du Sud était laxiste ou insuffisante, ont exacerbé le problème, et par conséquent ont conduit à bien plus de pertes en vies humaines, membres ou biens qu’il n’y en aurait eu, et ont donc engendré un sentiment palpable de ressentiment à travers le continent et dans le monde, et en effet conduit à des menaces ou à des attaques réelles en représailles contre des Sud-Africains innocents ailleurs. Ces représailles sur d'autres personnes innocentes sont tout aussi répréhensibles.Nous rappelons que les attaques xénophobes, et les sentiments qui les ont déclenchées, sont en violation directe des valeurs communes de l‘Union africaine (UA), et de la philosophie d'Ubuntu, qui est pratiquée dans la plupart des régions d'Afrique. Elles sont également contraire aux engagements que la République d'Afrique du Sud, et en fait de tous les autres États membres de l'UA ont pris, dans l'Acte constitutif de l'UA, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et ses Protocoles, et la Convention de l'(O)UA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. En outre, elles vont à l'encontre de la lettre et de l'esprit des négociations pour une Zone de libre-échange continentale en Afrique et la Grande Zone de libre-échange tripartite proposée pour le Marché commun de l'Afrique orientale et australe – la Communauté d'Afrique de l'Est – la Communauté de développement de l'Afrique australe (Grande ZLET – COMESA-EAC-SADC). Nous soulignons que les engagements du traité ci-dessus sont applicables en droit, et que l'architecture institutionnelle de l'UA fournit des mécanismes de recours, dont les victimes, leurs communautés et leurs États d’origine peuvent se prévaloir, notamment en termes de garanties de non-répétition et de réparations. L’UPA, en tant que voix collective de la profession juridique en Afrique, va mettre ses membres à disposition pour assister toute personne ou État dans le besoin.

Nous relevons aussi que la seule solution à long terme et durable aux attaques xénophobes devrait impliquer non seulement la République d'Afrique du Sud, mais aussi tous les autres États membres de l'UA, en particulier ceux de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC). Cette solution nécessite que les gouvernements et tous les peuples des États membres cherchent à construire des États forts et viables qui fournissent une sécurité adéquate, des services publics et des impératifs de développement à leurs citoyens, conformément à la Charte africaine sur la Démocratie, les Élections et la Gouvernance (CADEG), l'Architecture de la gouvernance africaine (AGA) et les instruments qui sous-tendent le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs (MAEP). Il s’agit d’aller au-delà de la rhétorique et des déclarations politiques pour adopter un dialogue humble, honnête et pragmatique et une action, entre les gouvernés et les gouvernants. Le temps presse !

En conclusion, l’Union panafricaine des avocats (UPA) demande instamment que : –

  1. Les mécanismes spéciaux de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples entreprennent immédiatement une mission conjointe en République d'Afrique du Sud. Elle devrait inclure, mais en aucun cas se limiter au Rapporteur spécial sur les réfugiés, demandeurs d'asile, migrants et personnes déplacées en Afrique
  2. Le prochain Sommet de l'Union africaine, qui se tiendra en République d'Afrique du Sud, devrait prévoir en priorité une discussion au niveau des chefs d'État, sur les récentes attaques xénophobes et les sentiments sous-jacents, en vue de parvenir à une Déclaration sur les mesures à prendre pour garantir la non-récurrence et pour accélérer la pleine application des dispositions de la Charte africaine sur la Démocratie, les Élections et la Gouvernance (CADEG)

Elijah C. Banda SC
Président de l’Union panafricaine des avocats (PALU/UPA)
Livingstone, Zambie
23 avril 2015